Thème

Après Ecritures en 2023, le thème du concours d’architecture de l’Académie des beaux-arts est en 2025 Migrer.

Migrer est l'action de déplacement des vivants, des idées et des choses. C’est ce transport où l’on quitte une situation pour une autre, un lieu pour un autre. Parce qu’elle constitue un principe de transfert, la migration est porteuse de transformations – biologiques, génétiques, culturelles et intellectuelles. Concrète autant que métaphorique, synonyme de dislocations massives et de misère, elle l’est aussi de brassage, de « mobilité optimiste »[1] et de vivacité.

Comme dans d’autres temps de l’histoire humaine, migrer devient aujourd’hui une condition : verbe intransitif qui dit pourtant le transfert. Qu’ils soient subis ou choisis, parfois inachevés ou brutalement interrompus, lesdits transferts sont permanents et les ancrages fugaces. Les statuts se multiplient et s’enchevêtrent : réfugié, migrant, déplacé et exilé. Considérées avec violence ou hospitalité, avec compassion, indifférence ou mépris, ces personnes en mouvement restent non intégrées par les structures de pouvoir institutionnels, stigmatisées par les ordres établis.

Migrer épuise, mais migrer peut aussi émanciper.

La temporalité de ce qui migre, humain ou autre, est le présent. L’urgence de survie déleste du passé et dispense de l’avenir. Migrer, c’est pratiquer la géographie dans l’instant. Les transitions et les déplacements induisent des « lieux frontières, marqués par l’incertitude du moment et du devenir immédiat »[2]. La frontière n’est plus une ligne, elle s’épaissit et devient un lieu ; ainsi se défait de la rhétorique de l’enracinement et de l’attachement à l’origine, ou à la terre.

« La voix qui tremble en moi est la voix de la frontière »[3]. Si l’on veut bien les penser sous un jour nouveau, les franchissements apparaissent comme autant de modes de vies capables de défaire les catégories établies, d’inventer des imaginations et des « identité(s) en transit »[4]. La migration fait exploser les oppositions binaires qui ont forgé la vie et le savoir de la modernité : elle requiert des pensées complexes, pose des défis qui relèvent du politique autant que de l’intellect.

Nous sommes acteurs et témoins de ces mouvements, devenons en les agents. L’architecture peut-elle se faire migrante, être elle-même en transfert ? Architectes, urbanistes, paysagistes, comment repenser le rapport aux clôtures et quelles actions pour rendre habitables ces territoires troubles et ces frontières ?

Emmanuelle Chiappone Piriou -Benjamin Lafore - Sébastien Martinez-Barat

[1] Edward W. Saïd, “Movements and Migrations”, Culture and Imperialism, New York, Vintage Book editions, 1994, p.332.

[2] Michel Agier, Les migrants et nous, Comprendre Babel, Paris, CNRS éditions, 2026, p.53

[3] Paul B. Preciado, An Appartment on Uranus, Chronicles of the Crossing, semiotext(e), 2020, p. 134

[4] Ibid., p.173

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Concours d'architecture de l'Académie des beaux-arts, Prix Charles Abella Édition 2025

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